Message - méditation pour un premier 1er mai confiné
Dans le monde qui nous entoure, à la fois immense et paraissant infini, la soudaine présence d’un virus « pandémique » rend ce monde minuscule et tout proche.
La fable de La Fontaine (les animaux malades de la peste) rend un curieux verdict actualisé: « ils n’en mourraient pas tous, mais tous étaient frappés »
Les malades souffrent, certains meurent, beaucoup guérissent aussi. Plusieurs d’entre nous vont mal, gagnés par la peur dans une ambiance générale de mesures de distances, de solitude et d’angoisse pour soi-même ou pour leurs proches. Les Chercheurs et les Soignants se surpassent pour aider et guérir dans la compétence et la noblesse de leur engagement et sont célébrés à juste titre par nombre d’entre nous. On peut exprimer la reconnaissance, cela est juste, mais on en voudrait davantage, c’est à dire que ce mal qui nous fait la guerre soit éradiqué.
Aucune explication, aucune mesure ne rassurent vraiment. Cela me fait penser à un Centre de détention pour longues peines où lors d’un culte, le pasteur suggérait aux détenus d’utiliser les « vertus » de l’enfermement pour méditer…la Bible. J’entends encore le murmure dans l’assemblée!
Cela dit, je crois qu’il est bon de réfléchir et parfois de méditer.
Pourquoi ? Mais parce que nous sommes confrontés à une urgence. Une urgence ressentie et une urgence bien réelle. L’urgence réelle est une discipline de protection, de respect des consignes et d’attente en aménageant les espaces et les distances imposées.
L’urgence ressentie est principalement une angoisse parasitant toute velléité de réflexion sereine et de méditation. Cela est encore amplifié par l’impossibilité de faire des projets et de prendre des décisions.
Vous avez sans doute entendu cette remarque lorsqu’un malheur arrive: « mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? »…pour que tel événement m’arrive. Cette phrase est un cri de panique exprimé de manière spontanée par des humains tourmentés croyants ou non d’ailleurs. L’idée de punition, l’éventualité d’une sanction divine sont aussi parfois avancées par des personnes d’horizons très différents.
Dans la Bible, nous trouvons des récits parfois étonnants. Dans le livre des Nombres - ch. 21 (Pentateuque) alors que le Peuple libéré d’Egypte poursuit une traversée complexe, en confrontation aux dirigeants des pays découverts, un fléau supplémentaire vient soudainement agresser. Cela se passe à un moment critique où les humains perdaient patience et critiquaient et Dieu et Moïse à cause de l’itinéraire incertain et de la mauvaise nourriture… On doit pouvoir se risquer à une comparaison; Car l’itinéraire du monde aujourd’hui est incertain. Beaucoup dénoncent cela, certains avancent même savoir qui sont les responsables de l’errance dans laquelle nous sommes. On dénonce souvent le rapport à l’argent (« Mamon » dans la Bible) et, ma foi, cela donne à penser car l’argent est un moyen et jamais une fin.
Ainsi, sans reconnaître le Covit 19 comme fléau divin car cela ne serait franchement pas très à la mode, au moins pourrait-on profiter de ce coup d’arrêt pour réfléchir à la manière de réaliser l’exigence de la Justice, la recherche de l’être avant la quête de l’avoir. Nous n’avons jamais vraiment essayé de mettre en application le Sermon sur la montagne que l’on appelle aussi les Béatitudes disant entre autre: « heureux ceux qui ont faim et soif de la Justice, car ils seront rassasiés »
Comment utiliser ce temps incertain afin d’ éprouver cette soif et se mobiliser tous ensemble pour une réflexion approfondie sur ce qui persiste d’injustice. Cela commence tout près de nous, en nous peut-être et dans tout cet espace mondial contaminé. Pourrions-nous avoir le courage d’être au monde comme des Veilleurs* et proposer des changements réfléchis mais radicaux. Comment être unis pour cette démarche de la Justice sans l’apriori de coupables de la situation à honnir. Ceux-ci n’étant évidemment jamais nous… Le coupable c’est souvent le mal sur lequel on pense ne pas avoir de prise.
La grande nouveauté c’est que nous souffrons tous. Nous ne mourrons pas tous, mais nous sommes tous frappés.
C’est donc pour le bien de tous qu’il faut désormais oeuvrer.
En évoquant le livre des Nombres, je rappelais le chemin difficile de l’expérience de la liberté, mais aussi la confrontation à un fléau qui tue. Des morsures de serpents venimeux. Dans le désert, cela est redoutable. Devant ce fléau, le peuple est revenu en lui-même, conscient de sa faiblesse par les brûlures des serpents. Il a demandé pardon d’être aveugle, désespéré et de ne plus faire confiance.
Moïse, le conducteur va intercéder.
La réponse divine à la prière de Moïse est des plus étonnante. « Façonne un serpent de métal et fixe le sur une perche. Quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve »
La suite du récit dit que cela se passa ainsi.
Ce symbole du serpent, de son venin et de la brûlure qu’il provoque est paradoxal. Cet épisode de guérison trouvera un écho chez l’évangéliste Jean (3 v14-15) à propos de la croix de Jésus.
Donc, si aujourd’hui, alors que les grands et les petits du monde sont menacés, l’heure urgente sonne pour que nous travaillions pour la Justice. Maintenant, regarder le serpent d’airain, c’est regarder le caducée des professions médicales portant lui aussi le serpent guérisseur mais pas seulement.
Pour le courage de faire advenir le royaume de Dieu, on peut considérer la Croix du Christ, là où tout fut accompli et de manière paradoxale ce que Dieu a donné une fois pour toute. Evidemment cela appelle la foi. Pour tous les humains de bonne volonté, la confiance est vivante, mais, pour les humains de bonne volonté, assoiffés de la Justice selon la Bible, TOUT RESTE A FAIRE.
Après un regard conscient des promesses divines, un regard sincère, il est temps de se lever, de se relever et de proclamer: « aveugle j’étais et maintenant, - je vois »*.
Quel étrange moment où tous les lieux de cultes sont fermés sine die. L’Ecriture, la littérature et les arts restent un levain pour nos vies confinées. Le confort communautaire garantissant une mise à part, une protection du monde et du mal et il est partiellement brisé. Comment ne pas s’approprier les paroles de Jésus lors d’une rencontre hasardeuse avec une femme de Samarie connaissant parfaitement les distances et les barrières imposées. « le moment vient et il est même déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en étant guidés par son Esprit et selon sa vérité. »
A chacun sa mesure de courage. Le courage vient de cur, une version ancienne de coeur. C’est par le coeur que tout commence. Chaque maison est un foyer de contamination de… l’ESPERANCE.
Werner Burki - 1er mai 2020
Bibliographie: Jean de la Fontaine: fable - les animaux malades de la peste.
Bible: Livre du Deutéronome, chapitre 21 - Matthieu chapitre 5 - Jean chapitres 3 et 4
* Fraternité spirituelle des Veilleurs, communauté de prière fondée par Wilfred Monod.
* Amazing Grace, célèbre cantique anglophone.